rencontre... Interlope

Date: 1/2005
Un bail qu'Interlope stationne dans les sphères symboliques du Breakbeat... Intact dans la radicalité de son processus artistique, le duo fonctionne sainement, par phase évolutive. Il opère donc, à travers son album "Electrified", une échappée salutaire en modérant son engagement sur la scène D&B européenne. Sans marquer de profond virage, il s'est déterminé une zone fraîche de transit musical. Nouvellement Hip-Hop mais toujours dark et tendues, ses partitions restent gérées comme le serait un état provisoire : une impression d'urgence lucide, de stress inévitable et de plaisir simple dans les tuyaux...

PROCESSUS CREATIF

Dragongaz : Interlope est le groupe anti-groupe. On ne bosse pas vraiment nos morceaux ensemble, mais on les mixe sur scène, en live. C'est le concept de base. Il faut se souvenir qu'on est issus de formations rock et qu'on a provoqué ensuite une démarche peu commune : l'improvisation par les machines. Parfois sort sur scène un morceau que l'autre ne connaît pas et qui impose l'improvisation. Ce système te permet de cultiver l'instant, se passer des choses musicales dans un mixe sans préméditation. Le côté expérimental est toujours présent et nous garde frais. Si on préparait plus d'histoire, on aurait arrêté depuis longtemps. Aucune demi-mesure là-dedans : tu y es à 100% et ça force à l'humilité.

Rimshot : Le live devient le seul moment où l'on se rencontre pour confronter nos productions. A chaque live, son lot d'inattendu, qu'on enregistre en temps réel sur nos ordinateurs. Ensuite, on se refile les fichiers, on réécoute les parties qu'on a selectionnées et qui nous paraissent intéressantes. Puis, on décortique, on travaille dessus. La matière que l'on crée en live nous sert donc aussi pour la suite... Mais on peut aussi fonctionner de manière classique, en partant d'une seule idée en studio. Une chose est sûre, plus le temps passe, plus c'est efficace, fluide. Il n'y a pas d'histoire d'ego.

L'ALBUM ET SES COLLABORATIONS

Rimshot : On en avait marre de jouer de la Drum'n'bass constammant. On s'est donc mis à des morceaux plus lents, plus hip-hop, à chercher des collaborations, à provoquer des rencontres qui nous donnent envie d'évoluer. Il faut savoir bien choisir ceux avec qui tu vas collaborer, les propos de leurs textes, leurs capacités d'adaptation. Il y a trois Mc's sur l'album. D'abord Jalmaski, un free styler qui arrive en studio sans être préparé. On lui fait écouter des choses, il improvise dessus et c'est là qu'il est le plus fort. Quant à SK, on se connaît depuis longtemps. Lui a des cahiers remplis de textes. C'est sur scène avec No Bluff Sound que je l'ai vu la première fois, il y a quatre ans. Autour du groupe gravitent un tas de MC. A la fin du concert, je suis allé le voir pour l'inviter au studio. J'aime son flow, sa manière de se placer, ses lyrics imagés, abstraits, ouverts. Un poète véritable... Il faut aussi parler de Mc Totally Rad aka Waddy Jones...

Dragongaz : On passe beaucoup de temps en France à chercher une voix, un bon Mc alors que l'Afrique du sud est riche en artistes ayant la culture du micro. C'est là-bas qu'on a rencontré Waddy (Constructus Corporation, Max Normal). C'est une rencontre énorme car il fait ce qu'il veut avec sa voix, ne se prend pas au sérieux et met du sens dans tout ce qu'il fait. C'est très rare de rencontrer des gens à ce point complets dans leur art. Il écrit à longueur de journée, dessine, fabrique des jouets pour enfant et une fondation d'art a investi sur lui. Son premier album est sorti sous la forme d'un livre d'une centaine de pages avec illustration dessinée de tous ses textes. A la fin du livre, un cd vierge frappé de son logo te servait à télécharger la suite de son album. Sur le net, tu trouvais un tas d'inédits. J'ai enregistré le titre "1948" avec lui à Marseille dans un placard, avec un micro pourri... Le reste s'est fait avec des bandes qu'il m'a envoyées. Je suis très fier d'avoir un MC de cette qualité sur mon disque.

Rimshot : Pour la scène, on n'a pas choisi la facilité en travaillant avec des artistes étrangers! Mais on fonctionne bien avec des voix samplées. Souvent des Mc's de passage nous demendent de poser sur nos lives, chose qu'on refuse car on a déjà plein de matières et on ne veut pas que quelqu'un - même très bon - vienne parasiter ce travail. En France, on n'a pas encore rencontré le Mc qui déchire tout. Par contre, je serait prêt à essayer avec les artistes venant du Hip-Hop - par exemple TTC, La Caution, La Rumeur... Le hic, c'est que cette scène est assez fermée d'esprit. J'ai lancé quelques bouteilles à la mer... Peut-être devrais-je chercher du côté de la scène Slam...
par Anne & Julien